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Je m’appelle Axel Trehin et j’ai grandi à côté de Saint-Nazaire, en Loire-Atlantique. A la maison, c’était plus ambiance chantiers de l’Atlantique que port de plaisance, mais j’avais la chance d’habiter assez près de la mer, et j’ai eu l’opportunité de faire des stages de voile. Rapidement, c’est vite devenu mon terrain de jeu principal, et j’ai adoré les sensations de glisse. J’ai très vite découvert la compétition en catamaran, et j’ai tout de suite accroché à la discipline que cela imposait !
Au lycée, naviguer était devenu la seule chose qui m’intéressait réellement et qui me motivait. J’ai donc choisi de m’orienter vers un BTS construction navale après le bac. C’est une formation théorique assez large, dans le sens où on abordait aussi bien la construction des paquebots que celle des bateaux de plaisance... Pour moi qui rêvais de course au large à travers les récits que je pouvais lire dans les magazines, c’était déjà un bon moyen de me rapprocher de ce milieu avec lequel je n’avais aucun lien !
Au cours de ce BTS, j’ai trouvé un stage qui m’a permis de mettre le pied à l’étrier. Pour l’anecdote, la première fois que j’ai participé à la construction d’un bateau de course, c’était déjà un Class40… J’ai ensuite fait une spécialisation en matériaux composites, qui m’a permis de m’orienter encore davantage vers la course au large. Dans l’idée d’être le plus polyvalent possible, j’ai cherché un travail qui me permettrait de maîtriser l’ensemble des moyens de mise en œuvre des bateaux de course, et j’ai décroché mon premier poste au chantier AMCO, à La-Trinité-sur-Mer, qui est une référence dans le métier. Cela m’a permis ensuite de collaborer avec des grandes équipes du milieu, comme Sodebo, Actual, ou encore Aleph.
En parallèle, j’ai fait pas mal de J80 et du Mumm 30 sur le Tour de France à la voile. J’ai découvert une autre façon de naviguer, différente de la régate à la journée entre deux bouées. J’ai tout de suite mordu à l’hameçon, mais le faire en équipage avait un petit côté frustrant parce que j'avais envie d’essayer tous les postes ! Assez naturellement, j’ai donc eu envie d’aller tester la navigation en solitaire, et le Mini 6.50 me semblait être la série la plus accessible en raison de la petite taille des bateaux et des budgets pour y accéder.
Mes premières expériences professionnelles m’ont permis de gagner 3 francs six sous que j’ai investi directement dans une épave de Mini à l’abandon. J’ai mis un peu moins de 3 ans pour la remettre en état, parce que j’apprenais au fur et à mesure que je faisais... Cela m’a permis de me lancer dans certaines choses que je n’avais pas eu l’occasion d'aborder, comme la peinture, le matelotage ou l’électronique. C’était passionnant, et je vivais littéralement pour ça, puisque j’avais même emménagé sur mon chantier pour rogner sur les loyers !
J’ai donc couru la Mini Transat en 2013, une année assez exceptionnelle dans le sens où la météo avait été exécrable : on s’est retrouvés avec des conditions dantesques, un parcours en direct entre la Corogne et les Antilles, moins de 50 bateaux à l’arrivée sur plus de 80 participants… J’ai appris beaucoup, et notamment que j’avais fait beaucoup d'erreurs ! Du coup, j’ai cassé pas mal de choses, mais je suis quand même arrivé de l’autre côté avec l’envie viscérale de recommencer !
Par le plus grand des hasards, on m’a proposé de retaper une autre épave. Il s'agissait du 716, un bateau qui avait déjà fait un podium sur la mini en 2009, et qui était le sistership du bateau avec lequel Yves Le Blevec avait gagné en 2007. C’était un avion de chasse, même s’il n’était pas aussi rapide que les derniers scow ! Il y avait moyen de viser un podium voire mieux, parce que je suis de nature un peu gourmande... Avec ce bateau, j’ai gagné la Transgascogne en 2015 et fini deuxième de la première étape de la Mini Transat. Mais sur la deuxième étape, j’ai cassé le bout-dehors en plein milieu de la course, perdant ainsi beaucoup de places et finissant au pied du podium. Ca m’est forcément un peu resté en travers de la gorge !
La suite logique était de ne pas rester sur cette “place du con”, comme dirait Jean Le Cam, et d’essayer de faire mieux avec un nouveau bateau, que je construirais cette fois de A à Z.
Oui, je me suis mis à l’ouvrage début 2017, et cela m’a pris au total 15 mois de travail à temps plein, soit plus de 3 300 heures au chantier. J’ai mis à l’eau Tartine seulement 3 jours avant sa première régate, je n’avais même pas d’ électronique à bord ! C’était assez sport mais ce sont aussi de super souvenirs... Une semaine après sa mise à l’eau, je prends le départ d’une deuxième course, le Mini Fastnet, une épreuve phare du circuit... que l’on gagne en double avec Frédéric Denis ! C’était le début d’une aventure géniale avec le 945, et deux ans de régates acharnées...
Le projet Mini était très riche techniquement et humainement. Le seul bémol était que tout cela fonctionnait parce que je me lançais à corps perdu dans les projets et que je continuais à travailler en indépendant à côté pour d’autres équipes afin de me financer. Avec un réseau personnel assez limité, je n’avais pas réussi à embarquer de partenaires... Ca avait un côté frustrant parce que j'ai vécu beaucoup de moments tout seul, que ce soit lors de la construction, de la préparation ou sur l’eau… Or ce genre de projets n'ont de sens que si on arrive à les partager !
Je faisais ce constat en juin 2019, alors que je venais de gagner le Mini Fastnet avec Thomas Coville. Je m’apprêtais à prendre le départ de la Mini Transat avec un bateau tout blanc, sans aucun marquage. Je me suis dit “quitte à en être là, autant porter un message et des valeurs qui me tiennent à cœur et ne pas gaspiller cette visibilité. Si personne n’en veut, faisons-en quelque chose”. Or, ce qui me parlait le plus c’était mon quotidien, donc être en mer et passer du temps sur l’eau. Durant les transats 2013 et 2015, j’ai pu longer d’assez près la côté africaine et faire un constat global : il y avait du plastique partout, et dès que l’on s’approchait des côtes, c’était de pire en pire. Une autre chose m’avait aussi choqué ; cette sensation de détérioration terrible entre 2013 et 2015.
L’idée de porter un message et des valeurs en lien avec la protection des océans s’est donc naturellement imposée. J’ai contacté Project Rescue Ocean, une association basée dans le Sud de la France et qui organise des actions de dépollution et de sensibilisation depuis 2015, avec une énergie et un pragmatisme que j’aime énormément. Et puis, à deux mois du départ, j’ai finalement rencontré trois entreprises qui ont eu envie de partager mon Aventure et le message porté par l’association Project Rescue Ocean… un vrai alignement des planètes !
J'arrive donc à la Mini Transat en faisant partie des favoris, avec un bateau magnifique décoré aux couleurs de l’association et des partenaires. J’étais fier de ce qu’on avait réussi à construire en un temps record, et remonté à bloc ! Je pars en tête quasiment dès le début de la première étape et le reste jusqu’au cap Finisterre. Je me fais un peu distancer le long du Portugal pour revenir au dernier moment coiffer le second de 6 minutes : une très belle première étape et un gros succès auprès de mes partenaires ! J'enchaîne sur la deuxième étape dans le groupe de tête mais assez rapidement, je déchire mon spi medium... Cela m’a fait perdre quasiment 36h de course, le temps de le réparer ! J’ai bataillé pour revenir ensuite mais je finis deuxième. Cela reste une superbe expérience, et tous les acteurs du projet avaient envie de poursuivre l’aventure...
Assez vite, l’idée de partir sur un nouveau projet est devenue une évidence. Le faire en Class40 est aussi apparu comme la bonne solution parce que c’est un bateau qui permet d’accéder à des courses d’une autre dimension, notamment la mythique Route du Rhum dont je rêvais enfant ! Les Class40 ont aussi l’avantage d’être des bateaux qui ont une jauge suffisamment restrictive pour que leur obsolescence soit plus lente que celle de bateaux d’autres séries. Cela faisait donc sens avec nos valeurs écologiques et la réalité économique. Enfin, sportivement, c’est un magnifique challenge, parce que c’est une classe où le niveau est de plus en plus relevé !
Je connais David Raison depuis longtemps puisque j’étais allé l’aider à construire son premier Mini 6.50 quand je n’étais encore qu’étudiant en BTS…Je suis évidemment admiratif de son parcours et des choix architecturaux novateurs qu’il a fait, et j’avais envie de travailler avec lui depuis un certain temps. En outre, je souhaitais que mon Class40 soit construit au chantier JPS de la Trinité-sur-Mer, qui est une référence dans la construction de bateaux de course et a une expérience précieuse sur ce type de format. C’est aussi un chantier qui a humainement une très bonne réputation, or c’était important à mes yeux car je souhaitais participer activement à la construction.
J’ai fait une navigation à bord du Max40 de David Raison, et une sur le Mach4 dessiné par Sam Manuard. Si les deux bateaux sont excellents et présentent chacun des atouts et des points faibles différents, j’ai préféré les sensations que je trouvais à bord du plan Raison. Mais je sais que le jeu va être hyper ouvert… il y a beaucoup de nouveaux bateaux, et surtout beaucoup de très bons skippers. Dans le lot, il y en a un certain nombre que je connais et que je suis ravi de retrouver !
Début 2020, le Covid a commencé à faire son apparition, et j’ai bien cru que tout le projet allait tomber à l’eau. Mais j’ai la chance de travailler avec des gens passionnés, qui ont eu envie de croire en l’avenir. De mon côté, j’ai pu participer au financement en revendant mon Mini 6.50, et en construisant une partie du bateau : j’ai réalisé tout seul l’ensemble de la structure intérieure, et j’ai ensuite rejoint l’équipe de JPS dans l’atelier.
Aujourd’hui, j’ai deux belles entreprises qui me soutiennent : Intech, leader mondial dans la fabrication de dispositifs médicaux, et le fonds d’investissement CAPZA, acteur européen de référence de l’investissement privé dans les petites et moyennes entreprises. J’ai aussi la chance d’être soutenu par des partenaires techniques et notamment USHIP, qui se retrouvait pleinement dans l’histoire de ce projet qui entend mettre le sport au service de l’action écocitoyenne. Notre objectif : récolter 4,5 tonnes de déchets sur la durée du projet, soit le poids du Class40 “Project Rescue Ocean” ! Mais le budget de fonctionnement est encore loin d’être complet, et je suis encore en recherche active de partenaires pour m’assurer de pouvoir être au départ des courses de 2021 et 2022.
Il y a bien sûr des voix, issues du milieu, qui pointent nos travers, et qu’il faut prendre en compte. C’est évident que, à l’image de la société, la course à la performance nous a fait faire des excès. Aujourd’hui, il faut réfléchir à comment faire les choses et où placer le curseur. Je crois qu’en tant que skipper de course au large, nous avons un rôle de vigie, et c’est pour cela que j’ai choisi de m’associer avec Project Rescue Ocean. Mettre en valeur le travail des acteurs de terrain, sensibiliser, aller dans les écoles : tout cela me semble un devoir moral.
Avec ce Class40, nous avons la sensation de nous orienter vers un bateau dont l’obsolescence sera plus tardive que des bateaux d’autres séries : la durée de vie est un peu la clé quand on parle de calcul de l’impact sur l'environnement. Nous avons également la volonté de travailler avec des acteurs locaux, c’est d’ailleurs l’intérêt de travailler avec USHIP, ou avec la voilerie All Purpose basée à Carnac. Nous avons aussi essayé de faire attention au choix des matériaux. Nous avons conscience que l’on ne va pas révolutionner toute une industrie avec un projet, mais l’idée est aussi de tenter des choses, de faire avancer la réflexion collective. L’état d’esprit c’est de créer une synergie positive pour essayer d’avancer dans la bonne direction vers une pratique de la course au large plus en adéquation avec notre amour de la nature.